Milhaud - Enseignement de spécialité - HLP - Littérature

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Correction de la Séance 14 : des animaux qui nous ressemblent

 

 

Séance 14 : Des animaux qui nous ressemblent

 

 

 

 

Les animaux nous apprennent-ils quelque chose sur l'homme ?  

 

 

  1. Il est tout à fait fréquent de voir des dessins animés ou films d’animation mettant en scène des animaux dans des rôles d’humains (ce que l’on appelle l’anthropomorphisme, de « anthropos», homme, et « morphe», en forme de), et certains studios (D****y ou P***r) sont même réputés pour. Mais savez-vous que de nombreuses séries d’animation japonaises se sont amusées, il y a plusieurs décennies de cela, à transposer ainsi de grands titres de la littérature européenne ? Saurez-vous reconnaître ces trois exemples ?

 

 

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Je suis sûre que vous aviez reconnu en 1 Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle, en 2 le Tour du Monde en 80 jours de Jules Verne et en 3 Les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas.

 

 

L’anthropomorphisme ne se limite pas aux animaux, et la publicité joue beaucoup dessus : les objets, et en particulier le produit vanté par la publicité se retrouve fréquemment à bouger, parler comme des humains, affublé de bras, jambes, visage… Les publicitaires pensent instaurer ainsi une certaine sympathie pour le produit : s’il nous ressemble, on peut s’identifier plus facilement.

Amusez-vous à repérer les spots de pubs qui utilisent ce procédé  ! Vous serez surpris…


 

  1. Remontons plus loin encore dans le temps…Vous avez travaillé en français sur les fables de La Fontaine. Voici plusieurs illustrations de celle intitulée « Le Loup et le Chien ». De quelle façon les animaux sont-ils personnifiés ? Pourquoi à votre avis  ?

 

loup chien grandville 1847

loup chien grandville 1847

Loup et chien 1862 - Mucem - Copie

Loup et chien 1862 - Mucem - Copie

Monvel-fables-1888 - Copie

Monvel-fables-1888 - Copie

 

 

Dans ces illustrations, les animaux sont personnifiés de plusieurs manières  :

 

  • par les vêtements qu’ils portent, et qui à chaque fois offrent de nombreux détails et accessoires : canne, chapeau, décorations, lanterne, panier, bandeau, chaussures…

Ces vêtements permettent de mettre en évidence des distinctions sociales : le chien est visiblement de condition sociale supérieure, et le loup modeste.

 

  • par leur position  : aucun n’est à quatre pattes, ils se tiennent debout.

 

  • par leurs gestes, ils imitent des interactions humaines : geste de refus, supplique, insistance, honte ou dédain…

 

Ces personnifications s’expliquent par le fait que les fables utilisent les animaux pour parler des défauts humains. En illustrant les animaux de façon personnifiée, les dessinateurs respectent l’intention de La Fontaine en facilitant l’identification du jeune lecteur qui pourra plus facilement transposer la scène dans un contexte qu’il connaît.

 


  1. Lisez le texte de Nicolas MACHIAVEL, Le Prince, 1532 (manuel de français, p.126)

 

- Qui était Machiavel ? A quel adjectif son nom a-t-il donné naissance ? Pour qui écrit-il son ouvrage ?

 

Nicolas MACHIAVEL est un penseur politique italien de la Renaissance, à Florence. Il écrit pour Laurent II de Médicis cet ouvrage, miroir du prince, manuel politique et éthique. Dans cet ouvrage, il formule des conseils qui peuvent sembler contraires à la morale. C’est à partir de son nom qu’a été forgé l’adjectif « machiavélique ».

biographie de MACHIAVEL - Encyclopédie Larousse

 

Nicolas Machiavel par Stefano Ussi

Nicolas Machiavel par Stefano Ussi

 

 

- Quels sont les animaux mentionnés dans cet extrait ? Quelle qualité attribue-t-il à chacun ?

 

Les trois animaux mentionnés sont le renard, le lion et le loup.

 

Le loup attaque sournoisement et reprend sa parole. Il incarne les ennemis du roi, parmi lesquels les princes avides de le faire tomber.

 

Le lion parce qu’il est capable de se défendre « contre les loups », et qu’il sait « effrayer les loups ». C’est donc sa férocité, son autorité qui est soulignée. C’est sans doute lui aussi qui est désigné au début du texte, lorsqu’il parle de combattre avec la force.

 

Le renard, et c’est celui sur lequel Machiavel insiste le plus, parce qu’il connaît les pièges et s’en défend. Il est associé à la prudence, et à l’absence de scrupules ; il est aussi simulateur et dissimulateur.

 

- Pourquoi le Prince doit-il selon lui imiter les animaux ?

 

Il doit imiter les bêtes parce que les hommes sont méchants selon lui, « et ne tiendraient pas la parole donnée ». Gouverner et combattre selon les lois de l’homme « souvent ne suffit pas ». Les bêtes sont associées pour lui à la force, indispensable pour diriger.

 

Mais le Prince doit se montrer à la fois homme et bête, trouver l’équilibre entre les deux à l’instar du Chiron, personnage mythologique. Toujours selon Machiavel, « l’une sans l’autre ne peut durer » : ces deux parties sont donc nécessaires l’une à l’autre.

 

Il se montre très injonctif et multiplie les termes du champ lexical e l’obligation : « contraint », « il doit », « il faut », « nécessaire »…

 

Il formule la thèse selon laquelle un dirigeant qui n’est pas « renard » ne peut triompher.

 

- Quelle image du dirigeant construit-il ainsi ? Que pensez-vous de ses conseils ?

 

Machiavel construit l’image d’un Prince qui trompe sans scrupule ses sujets, manipule les alliances et ne respecte pas ses promesses. Un menteur « grand simulateur et dissimulateur ». Il fournit des arguments pour « justifier le manquement à la parole donnée ».

Ce prince dirige des hommes qui sont à la fois « méchants » et « naïfs ». le parallélisme final justifie également les actes du prince : « celui qui trompe trouvera toujours quelqu’un qui se laissera tromper ».

Si cette image du prince semble immorale, il insiste sur le fait qu’il n’a pas d’autre choix, sans quoi il succombera aux pièges des loups, c’est-à-dire que s’il est immoral, c’est parce que ceux qui l’entourent le sont également. C’est donc, toujours selon lui, un mal nécessaire.

 

On pourrait se scandaliser de ce qu’un penseur politique donne de tels conseils à un dirigeant, et de nombreux auteurs ont écrit à ce sujet. Vous pouvez lire le texte de Patrick Boucheron p.127 de votre manuel à ce sujet :

 

  • pour Diderot, Machiavel enseigne aux puissants « une espèce de politique détestable », « l’art de tyranniser ».

 

  • pour Rousseau, « Cet homme n’apprend rien aux tyrans, ils ne savent que trop bien ce qu’ils ont à faire, mais il instruit les peuples de ce qu’ils ont à redouter. ».

 

  • Machiavel lui-même écrit au chapitre 15 : « Mon intention est d’écrire chose utile à qui l’entend. »

 

 

 

Lebrun - Trois têtes d\'hommes en relation avec le lion - 1690

 

Charles LE BRUN, Trois têtes d’hommes en lien avec le lion, 1690 – dessin, musée du Louvre

 


 

  1. Lisez maintenant le texte ci-dessous extrait du conte La Belle et la bête, par Jeanne-Marie LEPRINCE DE BEAUMONT, 1757

 

 

- Selon vous, la Bête est-elle plus proche de l’homme ou de l’animal ? Justifiez.

 

Ce qu’elle tient de l’animal

Ce qu’elle tient de l’homme

- le bruit qu’elle fait fait frémir la Belle au début du texte mais aussi à la fin, « un sifflement si épouvantable, que tout le palais en retentit »

 

- le narrateur le désigne par le mot « monstre », terme qu’elle reprend aussi : « mais je suis un monstre ». La notion de laideur revient également à plusieurs reprises comme le rattachant à l’animal.

 

- elle prétend être dénuée d’intelligence. « je suis stupide », « je n’ai point d’esprit », « si j’avais de l’esprit »

 

- elle provoque la peur : « mourir de frayeur », « peur d’exciter la colère du monstre », « en tremblant », « épouvantable »…

 

 

 

- cette créature parle, et dans un registre de langue soutenu ;

 

- elle connaît les codes de la bonne société, y compris les codes courtois : « il n’y a ici de maîtresse que vous », « voulez-vous bien que je vous voie souper ? », « je vous ferais un grand compliment pour vous remercier », « je vous suis bien obligé »…

 

- elle montre des sentiments, notamment de tristesse et de souffrance : « j’aurai du chagrin » ; « ce pauvre monstre voulut soupirer », « la Bête lui ayant dit tristement »…

Et elle maîtrise ses sentiments, lorsque la Belle lui oppose un refus.

 

- elle est douée d’intelligence comme le souligne la Belle : « On n’est pas bête […] quand on croit n’avoir point d’esprit : un sot n’a jamais su cela. »

 

- elle fait preuve de bonté et la Belle insiste de plus en plus dessus : « je crois que vous êtes fort bon », « vous avez bien de la bonté », « je suis bien contente de votre cœur », « j’ai le cœur bon », « elle est si bonne ! »

 

 

 

- Quelle est selon vous l’intention de l’autrice lorsqu’elle rédige ce passage ?

 

Son intention se résume dans une phrase prononcée par la Belle :

« Il y a bien des hommes qui sont plus monstres que vous, dit la Belle, et je vous aime mieux avec votre figure, que ceux qui, avec la figure d’hommes, cachent un cœur faux, corrompu, ingrat. ».

 

L’autrice ne cesse de souligner la distinction entre l’apparence extérieure et les qualités intérieures. Elle invite donc à se méfier des apparences trompeuses et à découvrir qui est vraiment la personne en face de soi. 

 


 

  1. Lisez enfin ce texte dans votre manuel :

François de la ROCHEFOUCAULD, Maximes, « Du rapport des hommes avec les animaux », réflexions diverses, XI, 1665 (p.516)

 

Le moraliste énumère de nombreuses espèces animales. Mais de qui est-il question ici  ? D’animaux ou d’hommes ?

 

Il énumère en effet de nombreuses espèces animales et fait preuve d’une impressionnante diversité :

singes, guenons, paons, oiseaux, perroquets, pies, corneilles, oiseaux de proie, chats, vipères, araignées, mouches, punaises, puces, crapauds, hiboux, chevaux, bœufs, cigales, lièvres, lapins, pourceaux, canards, corbeaux, vautours, oiseaux migrateurs, hirondelles, hannetons, papillons, abeilles, frelons, fourmis, crocodiles… Cette énumération s’articule autour de plusieurs anaphores  : « Il y a », et « combien de ».

 

Chacune de ces espèces est associée à une caractéristique ; mais cette caractéristique est décrite avec des termes employés pour les humains : « ne vivent que de rapines », « sont recommandables », « travaillent toute leur vie », « celui qui leur impose le joug », « trahissent leurs semblables », « respectent leur chef », « tant de règles et d’industrie »…

 

Très vite donc le rapprochement entre ces animaux et les humains s’impose au lecteur au point que l’on ne sait plus s’il parle d’hommes ou d’animaux. Seul le dernier paragraphe nous éclaire par la comparaison et le parallélisme :

« toutes ces qualités se trouvent dans l’homme » /

« il exerce, à l’égard des autres hommes, tout ce que les animaux dont on vient de parler exercent entre eux. »

 

Il met ainsi en relief non seulement la diversité des hommes, mais aussi leur ressemblance avec les animaux dont il partage les caractéristiques et les comportements. Ce constat prend un ton satirique dans la mesure où les caractéristiques en question sont majoritairement négatives – il dresse de la sorte un bien piètre tableau de l’espèce humaine.


  1. Observez ce célèbre tableau de Cassius Marcellus Coolidge intitulé « A friend in need » (Un ami dans le besoin), peint en 1903.

 

 

A_Friend_in_Need_1903_C

 

 

En vous aidant de toutes les questions précédentes, expliquez en quoi l’animal permet à l’homme de mieux se connaître.

 

Ce tableau (ainsi que plusieurs autres du même peintre) place des animaux dans une situation exclusivement humaine : l’intérieur classique, la table de jeu, et même les postures assises (jambes croisées même) des chiens, le fait de tenir des cartes, une pipe, le verre d’alcool… Les comportements des chiens sont également très humains : regard en coin, méfiance, satisfaction… Et le geste qui explique le titre du tableau : au premier plan, l’un des protagonistes tend de la patte arrière l’as qui fait défaut à son voisin, à l’insu des autres, ce qui ajoute amitié et tricherie à la liste des attitudes humaines.

 

Si le peintre avait choisi de représenter la même scène avec des humains, le regard du spectateur aurait sans doute été différent ; mais l’effet de surprise et d’absurdité (des chiens jouant aux cartes) invite à regarder la scène avec un regard neuf qui accentue ces relations entre les protagonistes. Par les traits des chiens, les sentiments exprimés semblent plus lisibles, ne sont pas parasités par d’autres considérations, et s’enrichissent des stéréotypes associés aux animaux et ici, aux races de chiens.

 

Tout comme La Fontaine dans les Fables, parler de l’autre sans parler de lui directement invite à se remettre en question de manière très efficace, car l’on juge d’abord avant de se reconnaître.

 

- Mais si l’on s’éloigne de la question de l’anthropomorphisme, on peut dire également que c’est en observant et étudiant les animaux que  l’homme a appris le fonctionnement de son propre corps (et encore aujourd’hui, la question des tests en laboratoires sur les animaux fait polémique). C’est par la dissection des animaux que la médecine a fait de tels progrès à la Renaissance.

 

- Ils sont aussi source d’inspiration : Léonard de Vinci, admirateur des oiseaux, (et vegan avant l’heure) ne se lassait pas de les étudier et dessiner : c’est ainsi qu’il a imaginé les premières machines volantes. Aujourd’hui, de nombreux scientifiques se servent de leurs observations des animaux pour fabriquer de nouvelles machines, de nouveaux matériaux… C’est ce qu’on appelle le biomimétisme (si vous êtes curieux, vous trouverez de nombreux exemples d’inventions inspirés des animaux).

 

- L’homme se découvre également par sa façon de traiter les animaux : d’un point de vue culturel, le rapport à l’animal est l’héritage des religions, et un Hindou croyant en la réincarnation n’a pas la même conception de sa place d’humain dans l’univers que les hommes des civilisations fondées sur les religions monothéistes, qui placent l’homme au-dessus du reste des espèces vivantes et immédiatement en-dessous de la divinité.

 

- Même à titre individuel, la façon de traiter les animaux domestiques ou d’élevage varient et reflètent la personnalité de l’individu.

 

On peut donc dire que l’animal a beaucoup à nous apprendre sur nous-mêmes  !

 

 


 

Pour aller plus loin :

 

L’artiste Julien NONNON, représentant du Digital Street Art, a proposé une étonnante exposition sur les murs de Paris : le Journal du Design nous propose une petite visite en images, à voir jusqu’au bout  !

le safari urbain de Julien Nonnon

 

 

Julien NONNON safari urbain1

 

 

Prolongement par l’écriture (au choix) :

 

  • Inventez une fable qui expliquerait l'origine d'un proverbe sur les animaux.
  • Comme Pierre BOULLE dans La Planète des singes, imaginez l'arrivée d'un humain sur une planète où règnent des animaux.                                                                      
  • Composez le portrait d'une créature en mélangeant des parties de l'homme et de l'animal, puis décrivez-le et explique en quoi ce serait un être supérieur.

 


 

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04/06/2025
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