Correction de la Séance 12 : le débat sur la question de l'animal-machine
Séance 12 : la querelle de l'animal-machine
CORRECTION :
- Des jouets de toutes tailles…
- Les automates de Léonard de Vinci
Le célèbre peintre était également un inventeur de génie, et il était fasciné par les systèmes de mécanismes. Il créa plusieurs automates, dont un canard mais aussi un lion, qui devait marcher jusqu’au-devant du roi François Ier, s’agenouiller devant lui et libérer une pluie de fleurs.
Un musée a pu, d’après ses plans, fabriquer un prototype de ce dernier (l’original ayant disparu) :

- Les Machines de l’île à Nantes.
Jules Verne, le romancier à qui l’on doit des romans qui mettent à l’honneur les sciences et les techniques, a rempli ses romans de descriptions de machines oniriques qui ont inspiré sa ville natale : Nantes puise dans son imaginaire pour offrir aux visiteurs ces machines géantes évoquant l’exotisme et les fonds marins, animaux articulés qui n’ont pas vocation à imiter le réel, mais à suggérer les mécanismes du vivant.
regardez la vidéo ci-dessous :
Nantes : les Machines de l'Île

Des premiers automates aux jouets d’aujourd’hui, nombreuses sont les machines qui représentent des animaux. Comment expliquer cet intérêt, cette fascination pour l’animal-machine ?
A la Renaissance, les connaissances sur le fonctionnement du corps humain progressent rapidement et fascinent. On cherche à comprendre les mécanismes qui permettent de se mouvoir et qui relient toutes les parties de notre corps. Les automates sont donc l’expression de cet intérêt. Non seulement ils mettent en pratique des savoirs techniques (mécanismes à ressorts, engrenages…), mais ils illustrent les observations faites sur le vivant. Ils sont donc bien plus que de simples jouets et ne sont pas seulement des divertissements spectaculaires, même s’ils ont probablement fortement impressionné leur public.
Aujourd’hui, on observe de plus en plus dans les rayons jouets de robots cherchant à imiter à la perfection les animaux. Il y a toujours une part de course à la technicité, au réalisme (l’homme cherche toujours à imiter le vivant). Mais il ne s’agit pas uniquement d’avoir un chaton ou un chiot sans les inconvénients d’un animal domestique… Il y a un certain plaisir de la domination sur l'animal.
Mais si on observe ces machines de Nantes, on constate que le réalisme n’est pas toujours l’objectif premier ; au contraire, les rouages, engrenages, leviers, moteurs et turbines sont mis en relief ; l’éléphant ouvre sur ses flancs deux terrasses panoramiques. Il y a une vraie fascination pour la maîtrise des techniques. Ces insectes ou animaux marins, cet éléphant tout droits sortis de l’imaginaire vernien ont quelque chose de poétique, d’onirique même. Une harmonie émane de cet enchevêtrement technique, tout comme le lion de Léonard de Vinci dont les côtés s’écartent pour laisser choir une pluie de fleurs. L’animal-automate est donc aussi une façon de laisser libre cours à l’imaginaire.
- Comparaison de quatre textes :
- Texte 1 : René DESCARTES, Lettre au marquis de Newcastle
- Texte 2 : VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, article « BÊTES » (1764).
- Texte 3 : Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755
- Texte 4 : Jean de LA FONTAINE, Fables, « Discours à Madame de la Sablière », livre IX, 1678
Lisez les quatre textes et complétez le tableau suivant :
|
Texte 1 : DESCARTES |
Texte 2 : VOLTAIRE |
Texte 3 : ROUSSEAU |
Texte 4 : LA FONTAINE |
Partisan ou opposant à la théorie de l’animal machine (justifiez) |
Partisan |
Opposant Nombreuses questions rhétoriques et dévalorisation de la thèse « machiniste » : « Quelle pitié, quelle pauvreté » |
Partisan Répétition du mot « machine ». |
Opposant Reprise de la thèse machiniste et morale : « Jamais on ne pourra m’obliger à le croire. » |
Ton ou registre littéraire adopté (justifiez rapidement)
|
Ton didactique :
|
Ton polémique : Il attaque avec virulence. 2ème pers. du sg, voc. dépréciatif, exclamatives, interjections, impératifs… |
Ton didactique :
Connecteurs logiques, présent de l’indicatif, phrases déclaratives…. |
Registre satirique : Hyperboles, Marques d’ironie. Reprise de la thèse adverse en la ridiculisant. |
Genre littéraire (justifiez)
|
Lettre :
Mais on dirait un essai ou un article. |
Article :
|
Essai :
1ère personne du sg, présentation des étapes d’un raisonnement, pas d’agressivité… |
Fable :
Versification, présence d’animaux pour illustrer une leçon, morale finale avec généralisation. |
Arguments concernant l’animal
|
Ils sont très méthodiques et sont souvent plus doués que l’homme, mais c’est par automatisme, sans y penser : ils n’ont pas d’âme. |
L’animal est capable de s’adapter aux différentes situations, d’apprendre et de montrer des sentiments. Le chien « dépasse supérieurement l’homme en amitié » ; Les animaux sont constitués comme nous : c’est pour ressentir comme nous. |
L’animal est une machine « ingénieuse », autonome, réglé par son instinct. Il ne sait pas s’adapter aux situations inhabituelles faute de libre-arbitre, car il ne peut s’écarter de ce pour quoi il est « programmé ». |
Les animaux se montrent particulièrement ingénieux, s’entraident et s’organisent pour dompter les obstacles naturels. L’utopique république de Platon pourrait apprendre d’eux. |
Exemples utilisés
|
La migration des hirondelles, les abeilles, le vol des grues et les singes qui se battent ; les chiens et chats qui enfouissent leurs déjections ; les huîtres et les éponges. |
Les nids d’oiseau, le chien de chasse, le chant du serin ; Le chien inquiet de ne pas voir son maître, puis rassuré. |
Le régime alimentaire des chats ou des oiseaux, dont ils sont dépendants quitte à se laisser mourir ; l’homme qui se nuit en se livrant à des excès. |
Les castors et leurs barrages. |
Arguments concernant l’homme
|
L’homme aussi a des pratiques étranges, mais il pense de façon plus parfaite que l’animal, et son âme est immortelle (on n’imagine pas l’huître aller au Paradis après sa mort) |
Même sans parler, l’homme peut exprimer des sentiments, donc l’animal aussi ; Le barbare, c’est l’homme, qui torture l’animal pour vérifier des thèses scientifiques. |
L’homme aussi est une machine, mais qui bénéficie du libre-arbitre lui permettant de choisir de suivre ou non son instinct. Ce qui le conduit à la dépravation. |
Les habitants du Nouveau monde vivent dans la plus grande ignorance et malgré l’exemple donné par les animaux, ils n’apprennent pas et sont soumis aux obstacles naturels. |
- D’après ces textes, pourquoi semble-t-il si important de déterminer si l’animal est une machine ou un être doué de raison et de sentiments ?
Si ce débat prend une telle ampleur, c’est parce qu’il rejoint la question de la place de l’homme dans le monde et de son éventuelle supériorité.
- Si l’animal est une machine, cela confirme le statut unique de l’homme (dans une vision judéo-chrétienne notamment), et donc son droit de dominer la nature et de l’exploiter.
- Si l’animal n’est pas une machine, alors il est doué de sentiments, d’âme (c’est-à-dire ici de pensée) et donc il doit être respecté au même titre que l’homme, on ne doit pas le faire souffrir inutilement. Comment justifier alors son exploitation ?
A retenir :
- Dans l’Antiquité grecque, on considère que tous les êtres vivants ont une âme, les animaux, les plantes, les hommes… Le mot « animal » vient du latin « anima » qui signifie « souffle vital ».
-Au XVIème siècle, le mot « âme » a pris une dimension religieuse. Certains penseurs comme Descartes soutiennent que le corps fonctionne comme une machine, mais que l’animal n’a rien d’autre alors que l’homme, lui, se distingue car sa machinerie est régie par la pensée. On appelle ceux qui soutiennent cette thèse les « machinistes ». Celle-ci s’inscrit dans une pensée judéo-chrétienne de supériorité de l’homme sur le reste de la création.
- Au XVIIIème, les « sensualistes » s’appliquent à réfuter la thèse de l’animal-machine en démontrant qu’eux aussi ressentent et pensent, et peuvent souffrir. Ils amorcent donc un changement dans les rapports entre l’homme et l’animal qui conduira à terme à lui établir des droits (voir séance 13).
Pour aller plus loin :
Un automate humain saurait-il être convaincant ?
Regardez la vidéo ci-dessous sur Sophia, une intelligence artificielle qui a même obtenu la nationalité saoudienne :

Cherchez ce qu’on appelle le « Test de Turing »
Proposé par Alan Turing, le mathématicien anglais connu pour avoir décrypté le codage de la machine allemande Enigma pendant la seconde guerre mondiale (vous connaissez peut-être l’excellent film The Imitation Game, de M. Tyldum en 2014 - vous pouvez voir la bande-annonce ici), ce test consiste à évaluer la crédibilité d’une intelligence artificielle par le biais d’un dialogue à trois : une personne pose des questions à l’IA et à un humain et doit, d’après les réponses, identifier lequel est la machine. S’il n’y parvient pas, le test est un succès pour l’ordinateur.
Il est intéressant d’observer que de nos jours, on observe la même la frénésie qu’à la Renaissance dans la recherche d’un automate parfait de réalisme, mais appliqué désormais à l’humain. Y aura-t-il un jour au sein de la population des citoyens « robots » comme Sophia, qui est citoyenne saoudienne ?
Dans la mesure où les technologies sont de plus en plus sollicitées pour compenser la perte d’un membre (main robotisée), d’un organe (cœur artificiel) ou de certains éléments du corps, devrons-nous un jour fixer les limites entre l’homme et la machine ? Lorsque ces techniques seront utilisées pour remplacer des parties défectueuses du cerveau par exemple… à partir de quand devra-t-on considérer qu’un humain « réparé » franchit la frontière entre le vivant et la machine et perd son statut d’humain ?
Tout cela invite nécessairement à s'interroger sur les droits des animaux (voir séance 13).