Milhaud - Enseignement de spécialité - HLP - Littérature

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Correction de la Séance 7 : ethnocentrisme et tolérance

 

 

 

Quelle image la littérature et la peinture donnent-elles de la façon dont ces conquêtes se déroulaient ?

 

 

CORRECTION :


 

 

Quelle image la littérature et la peinture donnent-elles de la façon dont ces conquêtes se déroulaient ?

 

 

 

Chercher la définition du mot « ethnocentrisme »

 

Ethno = peuple (en grec) / centrisme : être tourné vers.

 

D’après le dictionnaire ATILF : « Comportement social et attitude inconsciemment motivée qui conduisent à privilégier et à surestimer le groupe, géographique ou national auquel on appartient, aboutissant parfois à des préjugés en ce qui concerne les autres peuples ».

 

 


 

Texte 1 : Bartolomé de Las Casas, Très brève relation sur la destruction des Indes :

 

  • Cherchez qui était Las Casas. Qu'est-ce que la Controverse de Valladolid ?

 

Je vous invite à consulter le site suivant :

Las Casas, l'ami des Indiens

 

Au beau milieu du XVIème siècle se tient un débat présidé par un représentant du Pape, à la demande de Charles Quint, et ayant pour objectif d’étudier la condition des Amérindiens. Pour faire simple, Las Casas plaide en leur faveur et est opposé à Sepulveda qui se montre plus sévère à leur égard.

 

L’issue de cette controverse : le prélat tranche en faveur de Las Casas, en prenant le risque de soulever un problème économique : les pays d’Europe ont besoin de main d’œuvre bon marché pour travailler les terres fertiles du Nouveau Monde. C’est le point de départ du commerce triangulaire et de l’esclavage des Africains arrachés à leur continent.

 

On pourrait faire le lien avec la pièce de théâtre de VERCORS intitulée Zoo ou l’assassin philanthrope. Le procès de Templemore comporte des enjeux économiques certains, puisque s’il est condamné, si les Tropis sont des humains, alors ils ne peuvent plus être exploités honteusement et ne mettent plus en péril l’économie anglaise et ses filatures. La pièce de VERCORS est en quelque sorte une revisite de la Controverse de Valladolid  !

 

 

  • Las Casas dépeint ici les exactions commises par les Espagnols à l'encontre des Indiens. Quelle image cet extrait donne-t-il des conquistadors  ?

 

- Le texte utilise de nombreux procédés d’accumulation : accumulation d’anecdotes, de sévices, de personnes. Il suggère ainsi que ces violences n’ont pas de limite et se répètent sans cesse.

 

- Le champ lexical des tortures est omniprésent et éveille la pitié du lecteur : « éventrés », « mis en pièce », « attaquaient », « embrochaient »… ainsi que le lexique des armes : « « pique », «couteau», « épée », « potence », « fourches »…

 

- Les Indiens sont évoqués comme des victimes innocentes, Las Casas choisit notamment des êtres fragiles : « enfants », « vieillards », « femmes enceintes ou accouchées », « les bébés qui têtaient leurs mères », « des enfants avec leur mère »… Il a même recours à une comparaison avec des agneaux (l.3).

 

- Les Conquistadors, quant à eux, sont désignés la plupart du temps par le simple pronom personnel « ils » qui instaure une distance. Las Casas souhaite provoquer l’indignation de son lecteur et pour cela, il appuie sur le contraste entre la noirceur de ces actes et l’attitude des coupables, offensante au possible puisqu’ils s’amusent de la situation : « ils faisaient des paris », « en riant et en plaisantant », des jeux de mots « Allez porter les lettres », « faisaient un gril »…

De plus, ils se montrent insultants à l’égard de la religion qu’ils utilisent pour justifier leurs actes : « par groupes de treize, pour honorer et révérer notre Rédempteur et les douze apôtres ». Leur absence de pitié est soulignée par l’emphase : « ne laissaient ni enfants, ni vieillards […] qu’ils n’aient éventrés », « c’est ainsi qu’ils les brûlaient », « c’est ainsi qu’ils tuaient généralement »… et l’accumulation de verbes exprimant un acte de barbarie.

 

- Enfin, la souffrance des victimes est à peine évoquée, laissant l’imagination du lecteur s’en emparer. Le texte s’achève néanmoins par « les hurlements que provoquaient ces tortures horribles ».

 

Ce texte est donc un véritable réquisitoire contre la barbarie des « Civilisés ». Las Casas l’écrit pour le lire à l’empereur Charles Quint dans l’espoir d’obtenir un rappel à l’ordre des Conquistadors espagnols. C’est donc bien un texte argumentatif engagé.

 

« Les lois, les règles naturelles et les droits des hommes

sont communs à toutes les nations, chrétiennes et gentilles,

et quels que soient leur secte, loi, état, couleur et condition,

sans aucune différence ».                      

B. de LAS CASAS

 

Pour aller plus loin, vous pouvez si vous le voulez lire La Controverse de Valladolid par Jean-Claude CARRIERE, ou même voir l'excellente adaptation cinématographique de ce roman, du même titre.


 

Texte 2 : Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, 1772

(manuel de français, p.506)

 

 

  • Qu’est-ce qui fait la force de ce discours du vieillard ? En quoi ce discours est-il particulièrement virulent contre l’ethnocentrisme européen ?

 

Vous avez été sensibles j’espère à la manière dont ce discours est construit, en respectant tous les codes de ce genre. Les apostrophes, le destinataire impliqué par des questions rhétoriques, les connecteurs logiques, la progression, les arguments et exemples, les tournures oratoires avec emphase, anaphores, verbes de parole…

 

De plus, le ton polémique ici est caractéristique et je suis certaine que vous l’avez détecté également : il y a une véritable mise en accusation de Bougainville par des termes fortement connotés péjorativement, la 2ème personne contribue à cette accusation. Il demande des comptes au navigateur en lui opposant leur vie sur Tahiti, associée à des valeurs positives (Nature, sérénité, harmonie…). Ce texte est aussi un réquisitoire contre l’ethnocentrisme européen : Bougainville est venu en prétendant apporter aux Tahitiens culture, outils, connaissance, civilisation. Le vieillard lui renvoie une image d’envahisseur et lui pose finalement cette question : de quel droit les européens imposent-ils leur loi ? Qu’est-ce qui leur fait croire qu’ils sont meilleurs et qu’ils doivent « aider », « sauver » les peuples rencontrés ?

 

Ce  texte est évidemment une fiction, le philosophe DIDEROT imagine ce qu’aurait pu dire un vieillard tahitien à Bougainville. Ce texte s’inscrit dans un conte philosophique. A travers ce discours virulent, il invite le lecteur européen à s’interroger sur ses pratiques et sa façon de concevoir sa supériorité. Les philosophes des Lumières se veulent en effet les porteurs d’un appel général à la tolérance, et devancent la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

 

 

  • Chercher d’autres ouvrages dénonçant les exactions commises lors des conquêtes colonialistes.

 

Ils sont nombreux ! Citons au moins :

 

VOLTAIRE, Candide (le chapitre XIX, « le Nègre de Surinam »)

DIDEROT, De l’Esprit des lois  (le chapitre « De l’Esclavage des nègres »)

Didier DAENINCKX, Cannibale

MONTAIGNE, Les Essais

J.C. CARRIERE, La Controverse de Valladolid

Yaa GYASI, No Home

Aymé CESAIRE, Discours sur le Colonialisme

 


 

L’envers du mythe : Pocahontas

 

Vous connaissez probablement tous l’histoire de cette jeune Amérindienne, immortalisée par un célèbre producteur de dessins animés. Mais qui est la vraie Pocahontas ? Et surtout, son histoire témoigne-t-elle vraiment d’une amitié possible entre les peuples ?

 

Commencez par jeter un œil à cette page web :

https://www.deuxiemepage.fr/2016/05/12/missfits-5-pocahontas/

 

Puis admirez le tableau de Brueckner. En quoi peut-on dire qu’il idéalise la scène ?

 

  • Le tableau propose une vision d’harmonie entre les deux peuples : les Européens (vêtements et barbes, armes) et les Amérindiens (bijoux, plumes, pipe, lances et nudité) sont représentés mélangés, assis ou debout mais côte-à-côte et regardant tous dans la même direction. Le décor constitue lui aussi un mélange : un bâtiment à l’européenne, mais une présence importante de la nature, dedans comme dehors (les falaises visibles par la fenêtre) ; les couleurs contribuent à cette image d’harmonie.

 

  • Au centre, le couple Pocahontas / Rolfe, mis en lumière de façon invraisemblable (la lumière ne peut pas provenir de la fenêtre à l’arrière puisqu’elle les éclaire par devant et au-dessus). Il suggère ainsi une présence divine qui vient bénir ce couple, à l’instar du prêtre sur la gauche. Le message est à double sens : est-ce que Dieu bénit l’union entre les peuples, ou bien le fait qu’une « sauvage » ait été ramenée dans « le droit chemin » catholique ? Car il n’y a aucun élément rappelant les rites amérindiens, alors que les éléments évoquant l’Eglise catholique sont bien présents (Bibles dans les mains de certains Européens, gravure au mur sur la gauche…).

 

  • Certains éléments confortent cette idée que le tableau illustre le bienfondé de cette conquête : la fresque au fond représente clairement l’arrivée des Conquistadores, et alors que John Rolfe regarde vers le haut et lève la main, Pocahontas regarde vers le bas, dans une posture d’humilité et de soumission. Elle ressemble presque déjà à une Européenne.

 

Vous avez vu dans l’article mis en lien qu’elle sera conduite en Europe, baptisée, portera le nom de Lady Rebecca et devra se conformer aux usages de l’Angleterre. Elle a donc été arrachée à sa culture, mais malgré ses efforts, sera toujours stigmatisée. Elle devient en quelque sorte le symbole justifiant la colonisation européenne : ces peuples du  Nouveau Monde seraient heureux et reconnaissants d’être civilisés par l’Europe  !

 

 

Au fait, connaissez-vous le film Avatar, réalisé par James Cameron en 2009 ? C'est peut-être le moment de le revoir !


 

Pour prolonger cette séance 7, je vous propose un entraînement à la question d'interprétation .

 


 

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29/04/2025
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