Correction de la Séance 10 : classifier, inventorier, répertorier
séance 10 : répertorier, cataloguer / représenter pour mieux connaître ?
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Correction :
Après votre visite sur le site de la bnf indiqué au début de l'article, vous deviez chercher quelques éléments biographiques : retrouvez-les ici .
- Texte 1 : Lisez l’extrait de l’introduction à l’ouvrage de JUSSIEU, Carte botanique de la méthode.
Quel est d’après ce texte le but recherché par les botanistes ?
D’après le lexique utilisé ainsi que les formes d’insistance, il semble évident que le but n’est pas seulement de classer et cataloguer uniquement à titre de collectionneur. La connaissance est étendue aux vertus des plantes, afin d’utiliser ces propriétés à des fins médicinales, et ce avec une certaine égalité puisqu’il s’agit aussi d’étendre ces remèdes à toutes les régions du monde.
La connaissance n’est donc pas son propre but : il est humaniste.
- Texte 2 : BUFFON, Histoire naturelle, monographie sur le lion (extrait)
D’après le style de ce texte, à quel genre appartient-il d’après vous ? Justifiez votre réponse.
Ce texte prend l’apparence d’une description, mais qui ne serait pas rattachée à un récit, ce qui le rapporte au type de texte explicatif. En effet, l’auteur y utilise le présent de vérité générale ainsi que des généralisations (« le lion » pour « les lions » en général). Il s’appuie sur de nombreuses comparaisons (« comme celle de l’hyène ou de l’ours »), et les expansions du nom sont nombreuses car il va très loin dans les détails. Il utilise des données chiffrées (« huit ou neuf pieds », « environ quatre pieds »…), le champ lexical du corps animal, des compléments circonstanciels…
Tous ces éléments font qu’il appartient au genre de l’article.
Quel est selon vous l’objectif de son auteur ? Cherche-t-il à informer ou à faire rêver, voyager ?
De nombreux termes mélioratifs semblent indiquer que ce texte fait l’éloge du lion, et que l’auteur est subjectif dans ses propos : « grandes qualités », « imposante », « fière », « prodigieux »… Et on peut parfois même parler d’hyperbole, avec l’emploi répété des superlatifs : « si bien prise et si bien proportionnée ». Pourtant on ne peut pas dire que ce soit un registre épidictique, même si l’auteur de cache pas son jugement positif.
L’abondance de détails, montrée à la réponse précédente, pousse à dire que sa visée est surtout didactique : il a pour objectif de transmettre des informations aussi fiables et précises que possible, pour un lecteur qui se trouve très loin du moindre spécimen de lion. S’il nous permet de voyager par sa description, ce n’est qu’une conséquence de sa visée première : informer, diffuser des connaissances et les rendre accessibles à tous.
Comparez ce texte à l’illustration, l’une des planches qui accompagnait l’ouvrage de Buffon.
Cette illustration vous semble-t-elle fidèle à la réalité ?
Planche illustrative de l’Histoire naturelle de BUFFON, 1749
Ces illustrations sont dans l’ensemble assez ressemblantes, quoiqu’elles diffèrent quelque peu de la représentation que nous en avons aujourd’hui. Les têtes du lion et de la lionne notamment semblent un peu humanisées, les traits adoucis alors que le texte évoque « la fureur » du lion marquée par son front. Le pelage également nous étonne : par sa longueur il rappelle plutôt d’autres espèces animales.
Pourtant, globalement, ces illustrations sont fidèles au texte de Buffon.
Cherchez comment Buffon se documente sur les espèces qu’il présente.
Buffon lui-même ne se déplace pas sur le terrain : il s’appuie sur les récits qui lui sont transmis ainsi que sur les dessins : « Il entretient une vaste correspondance avec des voyageurs, des savants étrangers, des marins, des missionnaires, des chasseurs. » . Il se charge néanmoins d’enrichir la collection royale (les fameux cabinets de curiosité) en acquérant des spécimens naturalisés d’animaux rares en Europe. (voir l’article les animaux exotiques des rois )
Comment expliquer cette course à la connaissance ?
Cette course à la connaissance s’explique notamment par les récentes découvertes géographiques mais aussi par le besoin de partager les connaissances et de donner accès à celles-ci, de mutualiser les découvertes scientifiques et de comprendre le monde.
- les frontières du monde connu reculent, on découvre de nouvelles régions, de nouvelles espèces, de nouvelles manières de vivre et penser ;
- l’homme repense sa place dans le monde (voir séance 11)
- les avancées de l’imprimerie et des connaissances scientifiques facilitent la diffusion des savoirs mais aussi la soif de connaissance (voir séance 9)
- répertorier et classer les espèces, c’est apprendre à mieux les connaître et à mieux connaître le monde ; c’est aussi l’occasion de faire surgir de nouvelles questions sur la continuité du vivant. On cherche à percer les secrets de la nature et du vivant.
A retenir :
- Le XVIIIe siècle marque une accélération des découvertes scientifiques et une meilleure connaissance de la nature.
- Les scientifiques de l’époque sont aussi des lettrés. Ils ont parfaitement conscience que pour vulgariser les conclusions de leurs observations et expériences, ils doivent adopter un style susceptible d’instruire et de plaire.
- La variété des choses de la nature connues s’amplifie à mesure qu’elles sont observées avec rigueur et méthode. Il devient donc important d’exposer les éléments les plus singuliers dans les cabinets de curiosités afin d’en développer la connaissance.
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- L’objectif de ces scientifiques semble plus que louable. Pourtant, leur enthousiasme peut conduire à de graves dérives, comme en témoigne par exemple la gravure ci-dessous. En effet, l’être humain n’échappe pas à ce besoin de catégoriser les espèces et de classifier en « races »… avec les conséquences que l’on connaît !


(aux XVIIIème et XIXème siècle – en Angleterre notamment, mais aussi en France – on postulait que selon la taille et la forme du crâne (la crâniométrie), on pouvait déterminer l’intelligence ou le comportement moral d’une personne. )
Un autre postulat établi est celui selon lequel les espèces vivantes sont hiérarchisées : on voit ici que l’homme est au-dessus des végétaux et des animaux, et qu’il n’y a que les anges et dieu au-dessus de lui.
Quelles peuvent être les conséquences de telles classifications ?
Les dérives peuvent être notamment de vouloir classer les individus comme on classe les animaux : la recherche de signes permettant d’établir des parentés entre l’homme et l’animal ont été mises au service de théories raciales à l’origine du racisme.
Mais ces classement laissent aussi penser que l’homme est supérieur aux autres créatures, qu’il serait au-dessus des végétaux et des animaux et serait donc en droit légitime de les exploiter sans scrupule, puisque l’homme serait l’élu de Dieu…
Pourtant tous ne pensent pas de la sorte : voir la séance 11