Séance 12 : le pouvoir de légitimer
Séance 12 : la parole pour légitimer
Comment par la parole peut-on rendre acceptable quelque chose qui ne l’est pas, ou valoriser un acte ou une personne ?
- Pour commencer :
Voici une brève de journal, concernant un fait divers tragique :
20 minutes: Prison: Meurtre à la prison de Rouen
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Quelle information vous donne-t-elle ? Qui est présenté comme le coupable ?
Le même fait divers est relaté dans cet autre journal :
Direct Matin: Un détenu assassine son codétenu Un détenu a tué son codétenu dans la nuit de mercredi à jeudi à la maison d’arrêt de Rouen, a confirmé le procureur général de la cour d’appel de la ville Philippe Ingall-Montagnier. « Des coups ont été portés à la gorge (…) avec des morceaux de verre » a précisé le procureur général.
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Qu'est-ce qui a changé ? Que suggère cette fois l'article ?
Comparez ces deux articles à ce troisième :
Métro France: Egorgé par son codétenu Déjà mise en cause en janvier 2007, en raison d’actes de cannibalisme perpétrés par un détenu, la maison d’arrêt de Rouen a une nouvelle fois fait parler d’elle hier, à la suite d’un meurtre perpétré mercredi soir. Un homme de 26 ans, prévenu dans une affaire d’homicide, a égorgé son voisin de cellule récemment transféré. La victime, 20 ans, était écrouée pour de simples délits routiers. « Coups au visage » La victime aurait été découverte par un surveillant lors de sa ronde. « Il a trouvé le détenu inconscient. Les secours rapidement dépêchés sur place n’ont pu que constater le décès », selon Christophe Marques du syndicat FO-pénitentiaire. Pour Christophe Ingall-Montagnier, procureur général à la cour d’appel de Rouen, « des coups ont été portés à la gorge avec des morceaux de verre »
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Quel nouvel éclairage apporte-t-il sur l'affaire ? Qui accuse-t-il implicitement ?
Qu'en déduisez-vous sur la façon de rendre compte d'un fait divers ?
- Et à grande échelle ?
Lisez ces deux articles sur Notre-Dame-des-Landes, une ZAD (zone à défendre) occupée encore récemment en Loire-Atlantique pour empêcher la construction d'un aéroport.
L'un des deux est plutôt favorable aux "zadistes", les présentant comme des personnes responsables et pacifiques, alors que l'autre en fait des hors-la-loi menaçant l'état de droit.
Cherchez les indices vous permettant d'identifier quel article les soutient et lequel les dénonce :
Article 1 :
Sur la «route des chicanes», les zadistes font toujours la loi
REPORTAGE - Alors que ces opposants à Notre-Dame-des-Landes ont commencé à désencombrer la départementale 281, ils refusent de baisser la garde par crainte d'une expulsion. Par Guillaume Frouin Publié le 22 janvier 2018 à 19:11, mis à jour le 22 janvier 2018 à 19:33 |
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Ce lundi matin, à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), la presse n'a pas pu assister à un «chantier collectif » pourtant historique de la ZAD. Elle a en effet été tenue à distance de l'évacuation des obstacles qui entravaient, depuis cinq ans, le passage des véhicules sur la D 281, surnommée la «route des chicanes». Les journalistes, relégués derrière un panneau «route barrée», n'ont pu voir que l'arrivée des tracteurs et de leurs remorques, venus enlever épaves de voitures, blocs de béton et autres tas de pneus. «Nous faisons le choix de vivre ce moment sans la présence des journalistes, explique le mouvement antiaéroport. Dès |
l'avancée suffisante du chantier, une conférence de presse sera organisée.» L'État de droit à Notre-Dame-des-Landes, réclamé par le gouvernement depuis des mois et plus encore depuis sa décision d'abandonner le projet aéroportuaire, n'est pas encore restauré… Le fait de baisser la garde, alors que la menace d'une expulsion par les forces de l'ordre reste d'actualité, effraie une partie des quelque 200 habitants de la « zone à défendre ». À dire vrai, la décision d'évacuer cette route «symbole» de la lutte antiaéroport ne fait pas vraiment consensus. […]
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Article 2 :
Notre-Dame-des-Landes paru dans le journal Libération
Dans la ZAD, la «route des chicanes» vit ses derniers instants Par Guillaume Frouin, envoyé spécial à Notre-Dame-des-Landes — 22 janvier 2018 à 17:52
Symbole du mouvement anti-aéroport, la D281, qui traverse la «zone à défendre» de Notre-Dame-des-Landes, a vu ce lundi ses premières «chicanes» enlevées par les opposants eux-mêmes.
C’était l’un des symboles de la «zone à défendre» de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) conviennent les opposants au projet avorté de l’aéroport nantais. Depuis ce lundi matin, une partie d’entre eux s’attelle à retirer les obstacles qui entravent depuis cinq ans la circulation des véhicules sur la D281, comme l’a demandé le Premier ministre, Edouard Philippe, le 17 janvier, lors de l’annonce de l’abandon du projet. Epaves de voitures, tas de pneus et autres blocs de béton sont en effet parsemés sur cette ligne droite de plusieurs kilomètres. Les ronces ont aussi gagné du terrain au fil des ans, et ont sérieusement rétréci la largeur de la route départementale. La circulation y a toutefois toujours été possible, en dépit des nids-de-poule. Mais on ne pourra plus y rouler à 90 km/h (et bientôt 80 km/h) à court terme : d’autres «ralentisseurs» provisoires vont être «immédiatement» installés, préviennent les zadistes. «Des voies de passage seront créées pour nos amis tritons, salamandres et autres habitants du bocage», précisent-ils. Et la réouverture de cette «route des chicanes» n’est peut-être pas définitive. «Nous pourrions revenir sur cette décision si des menaces d’expulsions venaient à se concrétiser», assure le mouvement anti-aéroport dans un communiqué officiel. En attendant, la presse n’a pas pu assister ce lundi à ce «chantier collectif» historique ; tenue à distance, elle a simplement pu voir arriver tracteurs, remorques et autres camions de ferrailleurs.
La réouverture la D281 n’a pas été une simple formalité au sein de la ZAD. Deux de ses 70 «lieux de vie» sont situés à même le bitume, ce qui implique leur démolition… «Prendre cette décision n’a pas été facile», reconnaît l’Acipa, l’une des principales composantes du mouvement. Certains zadistes sont en effet tentés de garder les chicanes «pour des raisons affectives ou symboliques», explique-t-on chez les opposants. Or «il est indispensable que le territoire reste un territoire commun, public, ouvert à tout le monde, librement, à l’inverse d’un lieu privé», insistent sept comités de soutien, tous géographiquement proches de la ZAD, dans une tribune commune lancée le 16 janvier et diffusée par mail auprès des sympathisants de leur mouvement. «Nous entendons la population autour de nous, et nous avons déjà beaucoup de difficultés à justifier la situation de cette route alors qu’il n’y a pas de menace imminente d’intervention policière, écrivent-ils. Elle joue un rôle extrêmement négatif dans les esprits, y compris dans celui de nombreuses personnes pourtant prêtes à soutenir […] la ZAD.» Si les zadistes ne jouaient pas le jeu de l’enlèvement des chicanes, ils pourraient donc bien s’en mordre les doigts, selon eux. «Très peu d’entre nous viendraient défendre cette route si, par malheur, le mouvement ne parvenait pas à la rendre libre collectivement et de manière concertée, préviennent ces opposants. Cela laisserait alors à l’Etat l’occasion d’une intervention policière qui, malheureusement, risquerait bien de ne pas se limiter à cela.»
Philippe Grosvalet, le patron (PS) du département, n’est de toute manière pas prêt à rouvrir la circulation sur cette route qui relève de sa responsabilité. Il s’appuie sur les propos de Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, qui, il y a deux semaines, «certifiait la présence dans la ZAD d’explosifs et de pièges». Une affirmation pourtant largement démentie depuis : Libération a ainsi révélé que la soi-disant cache d’armes des zadistes était totalement bidon. Pourtant Philippe Grosvalet persiste : «Qui pourrait imaginer qu’un responsable public laisse les conducteurs s’aventurer dans une telle zone de non-droit avant que la ZAD ne soit débarrassée de ses éléments radicaux ?» grince celui qui est toujours président du Syndicat mixte aéroportuaire, qui rassemble les collectivités locales qui finançaient l’ex-projet d’aéroport. «Son niveau de dégradation est tel qu’il est inenvisageable de la rouvrir à la circulation sans des travaux lourds, coûteux et complexes qui nécessiteront du temps», prévient l’élu. |
Avez-vous trouvé ?
Pourtant, ces deux articles ont été écrits par la même personne et ont paru le même jour (l'aviez-vous remarqué ?).
Comment est-ce possible ?
Guillaume Frouin ne travaille pour aucun de ces deux journaux, mais pour Presspepper, une agence de presse régionale judiciaire. Il a écrit un article assez long et détaillé en restant relativement neutre.
Cet article a été acheté à l'agence de presse par les deux journaux, qui ont choisi leur titre et effectué dans l'article d'origine des coupes. En choisissant certaines parties et l'organisation de l'article, ils apportent un éclairage radicalement opposé à celui de leur concurrent.
Vous pouvez d'ailleurs lire un article comparant ces deux versions ici.
Conclusion :
Le pouvoir des mots, c'est aussi qu'il est très facile de manipuler l’opinion publique selon comment des faits sont présentés. Il est donc indispensable de confronter les informations dans différents médias, afin de ne pas dépendre d'un unique point de vue.
Le fait que l’état soit à la tête de nombreux médias doit-il nous inquiéter ?
- Exercice : Imaginer les unes de journaux divergentes pour de grands moments historiques – ou pas : choisissez-en deux dans la liste ci-dessous si vous manquez d'idée.
- la Révolution française
- déclaration de guerre 1939
- bataille d’Austerlitz
- Gergovie
- Déclaration des droits de l’homme
- abolition de l’esclavage
- mai 68
- ouverture du HellFest
- cambrioleur tué par le propriétaire du magasin qu'il voulait mettre à sac
- sauvetage de migrants en Méditerranée par l’Ocean Viking
- l’inauguration d’une nouvelle portion d’autoroute
- violence policière en manifestations
- la première femme dans l’espace
- Dans ce cas, doit-on remettre en cause les récits historiques, pour lesquels nous n'avons parfois qu'une seule version des faits ?
Lisez le Texte 1 : Jules CESAR, la Guerre des Gaules, Ier siècle après JC :
Quelles similitudes peut-on y voir avec les articles évoqués en début de séance ?
- Observation :
Lisez maintenant les extraits ci-dessous :
Texte 2 : HOMERE, L’Iliade, chant IV, VIIIème avt JC
Texte 3 : La Chanson de Roland, texte anonyme, XIIème siècle
Quelle image de la guerre ces deux extraits donnent-ils ? Quels procédés stylistiques sont mis au service de cette apologie ?
synthèse :
Cherchez dans votre manuel ou sur internet les caractéristiques du registre épique et de l’épopée.