Milhaud - Enseignement de spécialité - HLP - Littérature

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Séance 13 : la parole pour dénoncer ou cristalliser une réalité

 

 

 

Séance 13 la parole pour cristalliser ou dénoncer une réalité : éloge funèbre, portrait-charge et registre épidictique

 

 

 

  • Une parole qui immortalise : l'oraison funèbre.

 

Lisez les trois extraits ci-dessous. Même s'ils ont été écrits à trois époques, on y reconnaît un seul style.

 

Texte 1 : THUCYDIDE, La Guerre du Péloponnèse, II, 42 : Eloge des Athéniens par Périclès, Vème avt JC

 

Pendant les guerres du Péloponnèse qui opposent, en 430 avt JC, Athènes aux autres cités grecques, Périclès, grand général, prononce un discours réécrit par Thucydide en l’honneur des premiers soldats morts au combat.

 

 

La gloire de la république, qui m'a inspiré, éclate dans la valeur de ces soldats et de leurs pareils. Leurs actes sont à la hauteur de leur réputation. Il est peu de Grecs dont on en puisse dire autant. Rien ne fait mieux voir à mon avis la valeur d'un homme que cette fin, qui chez les jeunes gens signale et chez les vieillards confirme la valeur. En effet ceux qui par ailleurs ont montré des faiblesses méritent qu'on mette en avant leur bravoure à la guerre ; car ils ont effacé le mal par le bien et leurs services publics ont largement compensé les torts de leur vie privée. Aucun d’eux ne s'est laissé amollir par la richesse au point d'en préférer les satisfactions à son devoir ; aucun d'eux par l'espoir d'échapper à la pauvreté et de s'enrichir n'a hésité devant le danger. Convaincus qu'il fallait préférer à ces biens le châtiment de l'ennemi, regardant ce risque comme le plus beau, ils ont voulu en l'affrontant châtier l'ennemi et aspirer à ces honneurs. Si l'espérance les soutenait dans l'incertitude du succès, au moment d'agir et à la vue du danger, ils ne mettaient de confiance qu'en eux-mêmes. Ils ont mieux aimé chercher leur salut dans la défaite de l'ennemi et dans la mort même que dans un lâche abandon ; ainsi ils ont échappé au déshonneur et risqué leur vie. Par le hasard d'un instant, c'est au plus fort de la gloire et non de la peur qu'ils nous ont quittés. C'est ainsi qu'ils se sont montrés les dignes fils de la cité. Les survivants peuvent bien faire des vœux pour obtenir un sort meilleur, mais ils doivent se montrer tout aussi intrépides à l'égard de l'ennemi ; qu'ils ne se bornent pas à assurer leur salut par des paroles.

 

 

 

Texte 2 : Jacques-Bénigne BOSSUET, Oraison funèbre du très haut et très puissant prince Louis de Bourbon, 2 mars 1687

 

Louis de Bourbon, prince de Condé, est la figure même d'un grand du royaume, chargé de gloire et d'honneurs. Après une vie passablement libertine, il s'était rapproché de la religion, ce qui explique l'hommage rendu ici par Bossuet, alors évêque de Meaux.

 

 

Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine, pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros. Mais approchez en particulier, ô vous qui courez avec tant d’ardeur dans la carrière de la gloire, âmes guerrières et intrépides. Quel autre fut plus digne de vous commander ? mais dans quel autre avez-vous trouvé le commandement plus honnête ? Pleurez donc ce grand capitaine, et dites en gémissant : Voilà celui qui nous menait dans les hasards ; sous lui se sont formés tant de renommés capitaines que ses exemples ont élevés aux premiers honneurs de la guerre ; son ombre eût pu encore gagner des batailles ; et voilà que dans son silence son nom même nous anime, et ensemble il nous avertit que pour trouver à la mort quelque reste de nos travaux, et n’arriver pas sans ressource à notre éternelle demeure, avec le roi de la terre il faut encore servir le roi du ciel. […] Tous ensemble, en quelque degré de sa confiance qu’il vous ait reçus, environnez ce tombeau ; versez des larmes avec des prières ; et, admirant dans un si grand prince une amitié si commode et un commerce si doux, conservez le souvenir d’un héros dont la bonté avait égalé le courage. Ainsi puisse-t-il toujours vous être un cher entretien ! ainsi puissiez-vous profiter de ses vertus ! et que sa mort, que vous déplorez, vous serve à la fois de consolation et d’exemple ! Pour moi, s’il m’est permis après tous les autres de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô Prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire ; votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire ; non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface ; vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître.  […]

 

 

 

Texte 3 : André MALRAUX, Oraison funèbre de Jean Moulin, 1964

 

Ministre de la Culture de Charles de Gaulle, André Malraux se charge ici d'honorer la mémoire de Jean Moulin lors du transfert au Panthéon de ses cendres présumées. Jean Moulin, héros de la Résistance, était mort en 1943 à la suite des tortures que lui avait infligées en vain la Gestapo.

 

 

Pauvre roi supplicié des ombres, regarde ton peuple d'ombres se lever dans la nuit de juin constellée de tortures. Voici le fracas des chars allemands qui remontent vers la Normandie à travers les longues plaintes des bestiaux réveillés. Grâce à toi, les chars n'arriveront pas à temps. Et quand la trouée des Alliés commence, regarde, préfet, surgir dans toutes les villes de France les Commissaires de la République, sauf lorsqu'on les a tués. Tu as envié, comme nous, les clochards épiques de Leclerc : regarde, combattant, tes clochards sortir à quatre pattes de leurs maquis de chênes, et arrêter avec leurs mains paysannes formées aux bazookas, l'une des premières divisions cuirassées de l'empire hitlérien : la division « Das Reich ».

  Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi — et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé. Avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses. Avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle — nos frères dans l'ordre de la Nuit…

  Commémorant l'anniversaire de la Libération de Paris, je disais : « Écoute ce soir, jeunesse de mon pays, les cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi ». […]

   Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de la France.

 

 

 

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Questions :

 

Quels sont les procédés utilisés pour valoriser la personne honorée ?

Ces discours s’adressent-ils aux morts ou aux vivants ? Quels sont les objectifs recherchés ?

 


 

 

  • Une parole qui accuse et dénonce : le blâme et l'éloge paradoxal.

 

Nons avons déjà vu, à la séance 4, que le portrait satirique ou portrait charge pouvait permettre de dénoncer par le rire, comme dans les portraits de LA BRUYERE dans les Caractères.

Tout comme le portrait satirique, l'éloge paradoxal s'appuie sur une évocation flatteuse qui, par son caractère absurde, se révèlera critique.

 

Lisez le texte 4 : ERASME, Eloge de la folie, portrait du Prince, 1509.

 

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Questions :

 

Quelles sont les marques de la critique ? Celles de l'éloge ? Le blâme porte-t-il sur une seule personne ou une catégorie de personnes ? 

 


Synthèse :

 

Cherchez ce qu'on appelle le registre épidictique.

Quelles sont les caractéristiques d'un éloge ? Celles d'un blâme ?

 


 

  • Mise en pratique :

 

Vous traiterez au choix l'un des deux sujets ci-dessous :

 

- sujet 1 : A la manière de LA BRUYERE , ou d’ERASME, rédigez un portrait-charge ou un blâme pour un objet personnel.

 

- sujet 2 : A la manière de PERICLES, de BOSSUET ou de MALRAUX, écrivez une oraison funèbre pour un objet du quotidien que vous avez perdu ou dont vous devez vous séparer.

 

 


 

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08/01/2025
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